La Jeep MB (1941-1945) – Un peu d’histoire

Les débuts

Elle a été copiée, imitée, et elle a servi de source d’inspiration à de nombreux constructeurs actuels : Land Rover, Mitsubishi, Nissan, Toyota… Elle est encore fabriquée presque à l’identique en Inde, en Corée, en Chine, en Afrique du Sud, en Israël… Jamais, lorsque l’on entreprit sa construction, on aurait pu envisager un tel succès.
Il faut remonter aux années 30 pour comprendre ce qui a présidé à sa création. A l’époque, chez les militaires, le tout terrain par excellence était… le cheval.Mais il ne transportait qu’un seul passager, avec un équipement succinct, et exigeait une « maintenance » très contraignante. La moto, même avec un side, arrivait vite au bout de ses limites. Les militaires étaient donc à la recherche d’un engin capable de remplacer le cheval, avec évidemment, des possibilités accrues.

On assiste à quelques balbutiements sans suite, surtout de la part de Bantam, un petit constructeur américain qui produit des Austin sous licence. Mais le projet l’intéresse vivement car il voit là, un moyen d’améliorer sa situation guère brillante. Après moult délibérations, en juin 1940, les premières spécifications sont établies, parmi lesquelles on relève : 4 roues motrices, empattement de 80 pouces et surtout, poids de 590 kg ! Mais les militaires sont très exigeants. Alors que l’on part d’une feuille blanche, ils veulent que 70 véhicules soient construits en 75 jours, dont 49 seulement pour réaliser le premier prototype ! 135 appels d’offres seront adressés à des constructeurs potentiels, … 2 seulement répondront : Bantam, évidemment, et Willys !

C’est chez Bantam qu’un ingénieur très qualifié, tout juste embauché pour la circonstance, Karl Probst, accomplira l’exploit de réaliser les plans et les calculs de ce que sera la future Jeep en … 5 jours seulement ! De plus Bantam s’engage à livrer la commande dans les délais requis. Ce qui n’est pas le cas de Willys qui demande 75 jours pour réaliser le prototype et 120 jours pour livrer les premiers exemplaires. Du coup Bantam gagne la première manche, et livre son premier proto une demi-heure avant le délai limite. Seule entorse au devis initial, le poids est loin des 590 kg exigés. Le proto pèse en fait 920 kg. Mais Probst est confiant, persuadé qu’il sera impossible à quiconque d’obtenir ce poids, et l’avenir lui donnera raison. Les exigences de l’armée seront modifiées en conséquence par la suite.

Les épreuves commencent

La première BRC (Bantam Reconnaissance Car) va alors subir les pires tests de la part de l’Armée. Et malgré quelques petits problèmes inévitables, elle convainc les autorités. Seulement, les gens de Bantam ne sont pas très contents, car les essais se sont déroulés en présence « d’observateurs » très intéressés de chez Willys et … Ford. C’est que l’Armée n’avait pas très confiance dans la capacité de Bantam à fournir les grosses quantités de matériel envisagées. Cependant, Bantam poursuit sa production et livrera, après avoir effectué quelques petites modifications, les 69 exemplaires restant.

Mais l’Armée en veut déjà plus, et effectue une nouvelle commande de 1.500 BRC à Bantam. A ce moment, commence une campagne de polémique, de luttes d’influence, et de tractations plus ou moins obscures entre les responsables de l’Armée (le Quarter Master Corps) et Willys et Ford, lesquels, sentant la bonne affaire, veulent également leur part du gâteau.

A tel point que le QMC tranchera en accordant une commande de 1.500 modèles à chacun des trois constructeurs. Nous sommes à la fin de 1940, et Willys entre temps a terminé son premier prototype, largement inspiré de la Bantam : la « Quad ». Ford de son côté a étudié à ses frais un véhicule de même type, ressemblant également, et pour cause, de très près à la Bantam… Ce sera la Pigmy, présentée 10 jours après la Quad de Willys.

Un comparatif sans pitié

Disposant désormais de trois modèles, l’Armée effectue tous les test imaginables d’endurance et d’efficacité pour déterminer quel sera le meilleur. Pour l’instant, la Willys recueille de bons suffrages, grâce notamment à son moteur, le fameux « Go Devil » qui surclasse nettement les autres mécaniques, mal adaptées de ses concurrentes. Il n’empêche que chacun réalisera les 1.500 exemplaires commandés.

Ce sera la 40 BCR chez Bantam, la GP chez Ford et la MA chez Willys. Pour cette dernière, la Quad proto dépassant nettement le bilan poids imposé, il faudra effectuer un important travail d’allègement. On rognera ainsi le métal partout où cela était possible, en coupant les boulons trop long, et en ne passant même qu’uns seule couche de peinture, sans quoi le poids limite aurait été dépassé… !

Cette fois-ci, les essais comparatifs peuvent se poursuivre à plus grande échelle, dans le chaud, le froid, et même sur certains terrains de bataille d’Afrique, de Chine, et d’URSS, avant même que les USA n’entrent en guerre. A l’issue de cette grande confrontation, l’Armée tranche. Ce sera la Willys. Bantam, initiateur est évincé. Il fournira sa dernière 40 BRC, la veille de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, et produira ensuite des remorques de Jeep. Piètre compensation…. Quant aux 40 BRC, Ford GP, et Willys MA, pour la plupart, elles partiront en Grande Bretagne et en URSS, dans le cadre de la loi Prêt Bail.

La grande série démarre

Willys reçoit alors une première commande de 16.000 Jeep. Mais l’Armée exige de nombreuses modifications, et des adaptations spécifiques qui donnerons naissance à la MB. Pourtant, dans les hautes sphères de la politique et de l’Armée, on aimerait bien que ce soit le puissant Ford qui fabrique ces Jeep. D’autant, que la guerre prenant de plus en plus d’ampleur, la demande s’accroît.

 Willys ne pouvant plus assurer à lui seul toute la production, on le contraindra à céder gracieusement ses plans, brevets, et licences, à Ford qui se lancera dans la production d’une GP réadaptée et standardisée suivant la conception de la Willys, et qui deviendra la GPW. Ford en profitera pour apporter quelques petits aménagements, soit pour renforcer certaines parties, soit pour adapter la Jeep à ses propres moyens de production.

 Jusqu’alors, Willys produisait des Jeep dotées d’une calandre en fer forgé « Slat grill ». Il y en aura ainsi 25.808. Mais du jour où Ford entrera en scène, avec une GPW dotée d’une calandre en tôle emboutie, les Willys l’adopteront également.Progressivement, les cadences de productions augmenteront. Chez Willys, la Jeep n’est fabriquée que dans une seule usine, à Toledo, alors que chez Ford, la production est répartie dans 5 usines. Ainsi, de la fin 1941 pour Willys, début 1942 pour Ford, jusqu’au milieu de 1945, la Jeep sera produite à environ 640.000 exemplaires (360.000 Willys, 280.000 Ford). On ne connaîtra jamais le nombre exact tant les chiffres varient suivant les sources.